Bernard Blatter : Directeur du Musée Jenisch de 1982 à 2004.

6 mai 1939 – 6 avril 2009.

 

Tourné le 23 août 2005 à Montreux.

Bernard Blatter – Association Films Plans-Fixes

 

> Eh bien. Le directeur à la retraite d’un petit musée. Il n’a même pas étudié l’histoire de l’art. Et encore moins le management de la culture ... Mais lorsque Bernard Blatter commence à parler, il emmène son auditeur dans un trip. « Comme un ballon de baudruche, il nous soulève avec le lest qui nous pèse vers des régions plus élevées et laisse les errements confus de la terre se développer devant nous en perspective d’oiseau ». (Goethe.) <

 

Le fils de dentiste a grandi à Montreux, au bord du lac Léman. A Lausanne, il est entré à l’Ecole cantonale des Beaux-Arts. À Paris, à l’École Boulle. Là, il a suivi les études d’architecte d’intérieur. Le métier remonte à l’architecture classique française. L’architecte produit l’enveloppe du bâtiment et l’architecte d’intérieur détermine la disposition, la fonction et l’aménagement des espaces intérieurs.

 

De retour à Montreux, Bernard Blatter a trouvé sur la Riviera vaudoise un riche champ d’activité pour l’aménagement de manoirs historiques, de villas et de palaces. Sa personnalité a dû lui valoir l’estime de ses commanditaires. Car, à 43 ans, il fut invité par les autorités de la ville de Vevey à prendre la direction du Musée Jenisch.

 

L’établissement avait ouvert ses portes en 1897 grâce au legs d’une veuve de sénateur de Hambourg. Fanny Jenisch (1801–1881) avait fait un testament en faveur de Vevey, en reconnaissance des moments heureux qu’elle avait pu vivre avec son mari au bord du Léman. C’est dans ce Muséé Jenisch que Bernard Blatter se qualifia par l’exposition très remarquée « Les peintres du silence » pour diriger ce qui est aujourd’hui le deuxième plus grand musée d’art du canton de Vaud.

 

Quelques mois après la fin de son mandat et trois ans et demi avant sa mort, l’homme de 65 ans parle du lac Léman, de l’art, de la musique, des peintres et des poètes, et trois qualités remarquables se dégagent :

 

1. La présence. Quel sujet que Bernard Blatter évoque dans son discours, il est tout de suite là. Et pas seulement de manière claire, tangible, concrète, mais aussi « présente ». Cette impression vient du fait qu’e l’objet de la connaissance s’est débarrassé de son étrangeté, s’est installé à l’intérieur de l’ami des arts et y vit.

 

On ne doit parler que là où l’on ne peut pas se taire, ne parler que de ce que l’on a surmonté – tout le reste n’est que bavardage, « littérature », manque de discipline.

 

2. La relation. Bernard Blatter entretient une relation personnelle avec les gens et les choses. Par ce fait, l’ancien directeur de musée ressemble à un poète :

 

Le poète est l’auteur d’une petite avancée audacieuse, un pionnier exalté et imprudent dont la mission est la mission de pionnier : être englouti par le mouvement qui le suit et qu’il a devancé sans moyens suffisants, sans rien d’autre qu’une vague croyance dans des possibilités à venir et sur des chemins qu’il ne connaît pas lui-même. Car tous les poètes sont de tels émissaires isolés dans des territoires étrangers et incertains. Ils ont pris en charge l’entreprise la plus difficile et la plus dangereuse qui soit : la reconnaissance.

 

3. L’autonomie. Bernard Blatter utilise son propre langage. Il ne s’exprime pas par des formules toutes faites, pas par des termes techniques, pas par des mots à la mode. On a parfois l’impression d’entendre parler Proust. – Il n’est pas étonnant que Blatter soit ami avec Yves Bonnefoy (l’un des poètes français les plus difficiles du XXe siècle) et le poète suisse romand > Anne Perrier (qui a été la première femme à recevoir le « Grand Prix national de poésie » du ministère français de la Culture en 2012). Lorsque les mains de Blatter montent en air pour voler vers ce qui se trouve au-delà des apparences, il ressemble à un artiste :

 

Chaque artiste est un « moi » très prononcé, une forme d’aperception singulière. Il voit les choses comme personne ne les voit. Mais ces visions qui sont les siennes ne sont pas des hallucinations ou des illusions, mais des réalités non encore découvertes. Ses observations sont des vérités subjectives : subjectives parce qu’elles émanent d’un individu isolé, et vérités parce qu’elles se rapportent à des réalités.

 

Par ses échanges avec l’art, les artistes, les poètes, les vagues du Léman, les silhouettes des Alpes savoyardes et la lumière mouvante du ciel, Bernard Blatter a été intégré dans le grand continuum de la création, du temps et de l’éternité, et il en témoigne dans les « Plans fixes » quelques mois après l’expiration de son mandat et trois ans et demi avant sa mort. « Comme un ballon de baudruche, il nous soulève avec le lest qui nous pèse vers des régions plus élevées et laisse les errements confus de la terre se développer devant nous en perspective d’oiseau ». En cela, le directeur à la retraite d’un petit musée de la Riviera vaudoise ressemble au poète :

 

Il trouve une solution simple là où d’autres voient un enchevêtrement inextricable. Mais d’un autre côté, il voit immédiatement derrière chaque solution un nouvel imbroglio. Il comprend la vie mieux que quiconque, mais il comprend aussi que la vie est incompréhensible et inextricable au sens ultime du terme. (Egon Friedell).

 

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