Jean Louis Claude : Le petit névrosé.

5 juin 1942 –

 

Tourné le 15 avril 2014 à Lausanne.

http://www.plansfixes.ch/films/jean-louis-claude/

 

> Jean Louis Claude était un enfant placé et un pionnier de la radio locale. Il était victime d’abus et arnaqueur. Il était exploitant de maisons culturelles et évadé de prison. Il était toxicomane et malade mental. Mais après chaque accident, il a eu la force de recommencer à zéro. Sa biographie confirme ainsi le propos du psychologue et scénariste norvégien Roland Zistler : « La vie est un accomplissement en soi. » (Leben ist an sich schon eine Leistung.) <

 

Le poème de Conrad Ferdinand Meyer sur les derniers jours de Hutten (Huttens letzte Tage) est précédé d’une célèbre devise : « ... Je ne suis pas un livre élaboré, / je suis un homme de contradictions... » (... ich bin kein ausgeklügelt Buch, / Ich bin ein Mensch mit seinen Widerspruch …)

 

La contradiction caractérise également la vie de Jean Louis Claude. Lorsqu’il est entré dans le monde, son père était déjà parti. Maintenant, la mère abandonne l’enfant. Ainsi, au début formateur et décisif, le petit Jean Louis n’apprend pas à connaître la sécurité, les soins et l’amour des parents, mais le substitut institutionnel de la famille, qui vacille selon la personnalité des employés.

 

Au début, l’enfant reçoit l’attention d’une personne qui s’occupe de lui, et il s’épanouit. « Cela m’a donné confiance en moi », explique le septuagénaire lors du tournage pour les Plans Fixes. Mais en 1948/49, six ans après sa naissance, il a est placé chez des paysans.

 

Les circonstances dans lesquelles il y vit ne sont en rien différentes de la misère décrite par Albert Bitzius dans son premier roman en 1837 : "Der Bauernspiegel ou l’histoire de la vie de Jeremias Gotthelf, décrite par lui-même". Jean Louis Claude est tellement affligé par la désolation et la dureté dans sa ferme que son sommeil est perturbé jusqu’à ce jour.

 

Il revoit toujours ces images : Il est couché sur un sac de paillettes, couvert de sacs vides. Dès qu’il ferme les yeux, des rats grimpent sur lui. L’enfant mouille et défèque dans son lit. Aux yeux de la paysanne, cela prouve la malveillance du petit. Le matin, elle l’emmène dans l’écurie et le nettoie avec de l’eau froide provenant du tuyau en caoutchouc. Ensuite, il va à l’école. Ici, le professeur découvre des plaies sur son cou et appelle les autorités.

 

Un internat catholique dans le canton de Fribourg accueille le garçon pour l’école secondaire. Il est avide de connaissances. Il s’applique. Les Pères le font avancer avec amour - oui, en fait avec trop d’amour. – Et de nouveau, il y a cette contradiction : Jean Louis est reconnaissant à ses professeurs pour le savoir qu’ils lui transmettent, et reconnaissant pour le développement de son esprit et de son âme qu’ils lui permettent. En même temps, il déteste les actes que les mains des Pères accomplissent sur son corps.

 

Pourtant, à 16 ans, Jean Louis Claude n’a qu’un souhait : devenir lui-même prêtre. « Mais ce n’était pas possible », dit-il dans le film et abandonne. « Enseignant non plus... » Plus tard, il s’explique : Il a peur de ne pas pouvoir se contrôler et d’abuser des élèves en tant qu’éducateur. Parce qu’il est gay jusqu’à l’os. Il a compris cela au cours des cinq ans qu’il vivait avec une femme qui voulait le changer.

 

Une autre fuite est donc inévitable. Jean Louis Claude part pour Paris comme l’amant d’un acteur de cinéma qui l’a courtisé. Une fois en France, ils baisent dans tous les sens. Contradiction là aussi. D’une part, Jean Louis Claude apprend dans la sexualité désinhibée à « être enfin moi-même », d’autre part le virus de l’immunodéficience fait son apparition. Il commence à marquer les gays et bientôt aussi à les décimer.

 

Mais dans la vie de Jean Louis Claude, il y a toujours l’écriture. Avec elle, il tente de se réconcilier avec le monde – et le monde avec lui. Car il n’est pas resté une ardoise vierge. Dans une frénésie de médicaments, il a dérapé, a été envoyé en prison, s’est évadé, a été repris le soir même, puis a connu l’internement dans des cliniques psychiatriques où il a passé des crises de dépression et des cures de sommeil. Alors qu’il raconte les hauts et les bas qui ont façonné sa vie devant l’objectif de la caméra en marche, il sait qu’il est encore sur un terrain mouvant.

 

Lorsque Jean Louis Claude parle de la menace qui pourrait revenir à tout moment, il parle comme le pauvre prêtre dans Kalkstein d’Adalbert Stifter : « Ça pourra être aujourd’hui, ça pourra être demain, ça pourra venir que dans quelques ans. » Mais celui qui dit cela, sait : « Nous sommes tous entre les mains de Dieu. »

 

Aujourd’hui, Jean-Louis Claude ne peut plus voir le monde en Dieu. C’est là que réside peut-être la plus grande misère.

 

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